May NightDavid William Paley 译

La Nuit de Mai阿尔弗雷德·德·缪塞


Muse
LA MUSE

Poet, take up your lute and give me a kiss;
Poète, prends ton luth et me donne un baiser ;
The wild rose scent bursts from its flowering bud
La fleur de l’églantier sent ses bourgeons éclore,
Spring is born tonight; the ardent winds will blow:
Le printemps naît ce soir ; les vents vont s’embraser ;
And the wagtail, whilst waiting for dawn,
Et la bergeronnette, en attendant l’aurore,
Is perched in bushes turned freshly to green.
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poet, take up your lute and give me a kiss;
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.

Poet
LE POÈTE

How dark it is in the valley!
Comme il fait noir dans la vallée !
I thought that a shapeless form
J’ai cru qu’une forme voilée
Floated there over the forest.
Flottait là-bas sur la forêt.
It came from the field
Elle sortait de la prairie ;
Its foot grazing the flowering grass;
Son pied rasait l’herbe fleurie ;
What a strange vision is this
C’est une étrange rêverie ;
That fades and disappears!
Elle s’efface et disparaît.

Muse
LA MUSE

Poet, take up your lute; night upon the lawn
Poète, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse,
Rocks the zephyr in its odorous wings.
Balance le zéphyr dans son voile odorant.
The still virginal rose chastely withdraws
La rose, vierge encor, se referme jalouse
From the pearly winged hornet drunkenly dying.
Sur le frelon nacré qu’elle enivre en mourant.
Listen! All is quiet; dream of your belovèd.
Écoute ! tout se tait ; songe à ta bien-aimée.
This evening, beneath the foliaged limes,
Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée
The rays of the setting sun bid a sweeter farewell.
Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.
This evening, all will flower. Immortal nature
Ce soir, tout va fleurir : l’immortelle nature
Is filled with perfume, love and whispers
Se remplit de parfums, d’amour et de murmure,
Like the joyful bed of the newly married.
Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

Poet
LE POÈTE

Why does my heart beat so quickly?
Pourquoi mon coeur bat-il si vite ?
What agitation is this that I feel
Qu’ai-je donc en moi qui s’agite
And fills me with dread?
Dont je me sens épouvanté ?
Does somebody knock at my door?
Ne frappe-t-on pas à ma porte ?
Why is my half-dead lamp
Pourquoi ma lampe à demi morte
Dazzling me with its light?
M’éblouit-elle de clarté ?
Great God! My whole body is trembling
Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.
Who comes? Who calls? - Nobody.
Qui vient ? qui m’appelle ? – Personne.
I am alone; it is the hour that strikes;
Je suis seul ; c’est l’heure qui sonne ;
O solitude! O poverty!
Ô solitude ! ô pauvreté !

Muse
LA MUSE

Poet, take up your lute; the wine of youth
Poète, prends ton luth ; le vin de la jeunesse
Ferments tonight in the veins of God.
Fermente cette nuit dans les veines de Dieu.
My breast is disturbed oppressed by sensual delight;
Mon sein est inquiet ; la volupté l’oppresse,
And the changing winds have set my lips on fire.
Et les vents altérés m’ont mis la lèvre en feu.
O indolent child, look at my beauty
Ô paresseux enfant ! regarde, je suis belle.
Our first kiss, do you not remember,
Notre premier baiser, ne t’en souviens-tu pas,
When I saw you so pale at the touch of my wing
Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile,
And, with tearful eyes, you fell into my arms?
Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras ?
Ah! How I consoled you in your bitter affliction!
Ah ! je t’ai consolé d’une amère souffrance !
Alas! Still in your youth, you would die of love.
Hélas ! bien jeune encor, tu te mourais d’amour.
Now, console me tonight, I am dying of hope;
Console-moi ce soir, je me meurs d’espérance ;
I am in need of prayer to live until day.
J’ai besoin de prier pour vivre jusqu’au jour.

Poet
LE POÈTE

Is it you whose voice is calling?
Est-ce toi dont la voix m’appelle,
O my poor muse, is it you?
Ô ma pauvre Muse ! est-ce toi ?
O my flower! O my immortal!
Ô ma fleur ! ô mon immortelle !
Here, alone, pure and faithful
Seul être pudique et fidèle
Where, still, your love for me may live!
Où vive encor l’amour de moi !
Yes, I see you. It is you my fairest!
Oui, te voilà, c’est toi, ma blonde,
It is you my mistress and sister!
C’est toi, ma maîtresse et ma soeur !
And I feel in deepest night
Et je sens, dans la nuit profonde,
That your golden robe floods me about
De ta robe d’or qui m’inonde
With rays gliding into my heart.
Les rayons glisser dans mon coeur.

Muse
LA MUSE

Poet, take up your lute, it is I, your immortal,
Poète, prends ton luth ; c’est moi, ton immortelle,
Who has seen you tonight so sad and silent;
Qui t’ai vu cette nuit triste et silencieux,
And who, like a bird that calls to its clutch,
Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle,
Descends from the heights of the skies to weep with you.
Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux.
Come. You are suffering, my friend. Some solitary grief
Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire
Gnaws at your life. Something groans in your heart;
Te ronge, quelque chose a gémi dans ton coeur ;
Some love, such as one sees on earth, has come,
Quelque amour t’est venu, comme on en voit sur terre,
A shadow of gladness, a semblance of pleasure.
Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.
Come! Let us sing before God; let us sing your thoughts
Viens, chantons devant Dieu ; chantons dans tes pensées,
In your pleasures lost, in your pains of the past.
Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ;
Let us depart in a kiss for a world unknown.
Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu,
Let us waken at random your echoes of life,
Éveillons au hasard les échos de ta vie,
Let us speak of pleasure, glory and folly
Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie,
Be it a dream and the first that comes.
Et que ce soit un rêve, et le premier venu.
Let us conjure a place where one may forget;
Inventons quelque part des lieux où l’on oublie ;

Partons, nous sommes seuls, l’univers est à nous.
Let us depart, we are alone and the universe ours.
Voici la verte Écosse et la brune Italie,
There is the green of Scotland, and Italian brown
Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux,
And Greece, my mother, where the honey is sweet;
Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes,
Argos and Pteleon, the place of tombs,
Et Messa la divine, agréable aux colombes,
And Messa divine fancied by doves;
Et le front chevelu du Pélion changeant ;
And the changing face of Pelions brow
Et le bleu Titarèse, et le golfe d’argent
And the blue Titarese and the gulf of silver
Qui montre dans ses eaux, où le cygne se mire,
That displays in its waters, where the swan is mirrored,
La blanche Oloossone à la blanche Camyre.
White Oloossone to white Camyre.
Dis-moi, quel songe d’or nos chants vont-ils bercer ?
Tell me what golden dream cradles our songs.
D’où vont venir les pleurs que nous allons verser ?
From where come the tears that we pour?
Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière,
This morning, when the day first struck your eye,
Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet,
What thoughtful seraph, bent over your bedside,
Secouait des lilas dans sa robe légère,
Shook lilacs into your softened dress
Et te contait tout bas les amours qu’il rêvait ?
And quietly whispered the loves that he dreamed?
Chanterons-nous l’espoir, la tristesse ou la joie ?
Shall we sing of hope, sadness or joy?
Tremperons-nous de sang les bataillons d’acier ?
Shall we soak in the blood of steel clad battalions?
Suspendrons-nous l’amant sur l’échelle de soie ?
Shall we suspend the lover on a silken ladder?
Jetterons-nous au vent l’écume du coursier ?
Shall we throw to the winds the foam of our galloping steed?
Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre
Shall we tell what hand in lamps without number
De la maison céleste, allume nuit et jour
Lights, night and day, the celestial mansion
L’huile sainte de vie et d’éternel amour ?
With holy oil of life and undying love?
Crierons-nous à Tarquin :  » Il est temps, voici l’ombre ! «
Shall we shout to Tarquin " It is time. Look! It is dark "
Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers ?
Or dive for pearls in the depths of the sea?
Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers ?
Shall we lead the goat to the bitter ebony trees?
Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie ?
Shall we display the sky to melancholy?
Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés ?
Or follow the hunter through steep sloping hills
La biche le regarde ; elle pleure et supplie ;
Where the doe looks upon him, tearfully pleading,
Sa bruyère l’attend ; ses faons sont nouveau-nés ;
The heathland awaits her; her young newly born;
Il se baisse, il l’égorge, il jette à la curée
He stoops to the slaughter, he throws to the pack
Sur les chiens en sueur son coeur encor vivant.
Of baying dogs the still beating heart.
Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée,
Shall we paint a young maiden with purpled cheek
S’en allant à la messe, un page la suivant,
Going to mass with her page following after
Et d’un regard distrait, à côté de sa mère,
And with a worried look at the side of her mother
Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ?
With parted lips forgetting her prayers?
Elle écoute en tremblant, dans l’écho du pilier,
She listens atremble by the echoing pillar
Résonner l’éperon d’un hardi cavalier.
That resounds to the spurs of a bold cavalier.
Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France
Shall we tell of the heroes in the old days of France
De monter tout armés aux créneaux de leurs tours,
Scaling, fully armed, battlemented towers
Et de ressusciter la naïve romance
And revive the tales of romance
Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ?
Forgotten glories of which inspired the minstrels?
Vêtirons-nous de blanc une molle élégie ?
Shall we clothe an elegy in tender white?
L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,
Or bid the man of Waterloo to tell his life
Et ce qu’il a fauché du troupeau des humains
And how he broke his human herd
Avant que l’envoyé de la nuit éternelle
Before the herald of endless night sent him,
Vînt sur son tertre vert l’abattre d’un coup d’aile,
With a blow of his wing, to his mound of green,
Et sur son coeur de fer lui croiser les deux mains ?
His two arms crossed on his heart of iron?
Clouerons-nous au poteau d’une satire altière
Shall we nail a haughty satire to a post
Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire,
The name sold seven times over by a pale pamphleteer
Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli,
Who, pressed by hunger, from his depths obscure,
S’en vient, tout grelottant d’envie et d’impuissance,
Comes, quivering with impotence and envy,
Sur le front du génie insulter l’espérance,
To insult the hope on the brow of genius
Et mordre le laurier que son souffle a sali ?
And gnaw the laurel that his breath has soiled?
Prends ton luth ! prends ton luth ! je ne peux plus me taire ;
Take up your lute. Take up your lute. I can no longer be silent.
Mon aile me soulève au souffle du printemps.
My wing lifts me upon the sweet breath of spring.
Le vent va m’emporter ; je vais quitter la terre.
The wind will bear me aloft and I shall be leaving the earth.
Une larme de toi ! Dieu m’écoute ; il est temps.
But you weep! God has heard; the hour is nigh.


LE POÈTE
Poet


S’il ne te faut, ma soeur chérie,
If only this you ask, dear sister mine:
Qu’un baiser d’une lèvre amie
A kiss from a friendly lip;
Et qu’une larme de mes yeux,
And a tear from my eye,
Je te les donnerai sans peine ;
Gladly, shall I give them to you
De nos amours qu’il te souvienne,
As a remembrance of love;
Si tu remontes dans les cieux.
But, if you soar again into the skies,
Je ne chante ni l’espérance,
I shall sing neither of hope
Ni la gloire, ni le bonheur,
Nor of glory, nor of gladness;
Hélas ! pas même la souffrance.
Alas, not even of suffering.
La bouche garde le silence
My mouth now keeps its silence
Pour écouter parler le coeur.
To hear the speech of my heart.


LA MUSE
Muse


Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne,
Do you think that the autumn wind is my guide
Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau,
That feeds on tears even unto the tomb
Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ?
And for whom grief is but a drop of water?
Ô poète ! un baiser, c’est moi qui te le donne.
O poet! A kiss! It is I who gives it;
L’herbe que je voulais arracher de ce lieu,
The weed that must be rooted out from this place
C’est ton oisiveté ; ta douleur est à Dieu.
Is your indolent self. Your grief is that of God.
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Whatever it be that your youth endures,
Laisse-la s’élargir, cette sainte blessure
Seek your relief from this holy wound
Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du coeur :
Placed by dark spirits into the depths of your heart;
Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur.
Nothing makes us greater than a noble grief.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
But, for a being subjected so, O poet, be not persuaded
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
That, here below, dumb may be your voice.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
The most desperate songs yield the greatest beauty
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.
And I know of immortal ones that are the purest sobs.
Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage,

Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
When, in the evening mists, the pelican returns
Ses petits affamés courent sur le rivage
From his travels abroad to his nest of reeds,
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux.
His famished young run over the shore
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
On seeing him swoop, far away, over the waters.
Ils courent à leur père avec des cris de joie
Already thinking to seize and to share the prey,
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
They run to their parent with cries of joy
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
Shaking their beaks on hideous necks.
De son aile pendante abritant sa couvée,
Slowly, now, he gains a perch on a rock
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Sheltering his young with his wing held wide,
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
A melancholy fisher gazing up to the sky.
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
In long streaks from his opened breast flows his blood;
L’Océan était vide et la plage déserte ;
In vain has he searched the depths of the sea;
Pour toute nourriture il apporte son coeur.
The ocean empty, the shoreland bare;
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre
For nourishment, he has brought his heart.
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Sombrely and silently, stretched upon the rock,
Dans son amour sublime il berce sa douleur,
He shares a father's organs with his sons
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
In a love sublime, he cradles all his grief;
Sur son festin de mort il s’affaisse et chancelle,
He sees the blood run down upon his breast
Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur.
And in his feast of death, sags and staggers
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Drunk with voluptuous tenderness and horror.
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
But, then, amid this sacrifice divine,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Fatigued by dying in such a protracted agony,
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
He fears that his offspring may not let him live;
Et, se frappant le coeur avec un cri sauvage,
Thus, he rouses, opens his wing to the wind
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
And, beating his heart with a wild cry,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Thrusts into the night such a funereal farewell
Et que le voyageur attardé sur la plage,
That the birds of the sea desert their shore
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
And the traveller, lingering on the beach,
Poète, c’est ainsi que font les grands poètes.
Feels death passing by and commends himself to God.
Ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ;

Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes
Poet! Thus it is with all great poets.
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
In their leaving, generous to those who live the while;
Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées,
But the banquets that they serve at their feasts
De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur,
Mostly resemble those of the pelican.
Ce n’est pas un concert à dilater le coeur.
When, thus, they speak of hopes deceived
Leurs déclamations sont comme des épées :
Of sadness, forgetfulness, love and misfortune,
Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant,
It is not a concert to expand the heart.
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
Their oratory is that of swords

That trace a glittering circle in the air
LE POÈTE
From which there always hangs some drops of blood.


Ô Muse ! spectre insatiable,
Poet
Ne m’en demande pas si long.

L’homme n’écrit rien sur le sable
O muse, insatiable wraith,
À l’heure où passe l’aquilon.
Be not so bold in your demands.
J’ai vu le temps où ma jeunesse
Man writes nothing in sand
Sur mes lèvres était sans cesse
At times when whirlwinds blow.
Prête à chanter comme un oiseau ;
I have known in former days
Mais j’ai souffert un dur martyre,
When youth was there upon my lips,
Et le moins que j’en pourrais dire,
A time to sing like a fluttering bird;
Si je l’essayais sur ma lyre,
But I have suffered a martyrdom severe
La briserait comme un roseau.
And the little that I could say,
If I were to play upon my lyre,
Would break it like a reed.


1835
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